Cette année, la Délégation de l’Union européenne, à la lumière de l’expérience des années précédentes, a recherché un lieu qui soit l’endroit le mieux adapté à l’accueil, à l’atmosphère et à la dynamique de notre troisième rencontre euromaghrébine d’écrivains. Nous avons choisi le domaine du Palais Ennejma Ezzahra, à Sidi Bou Saïd, appelé également, Palais du Baron Erlanger, du nom de son créateur. Nous avons été immédiatement séduits par l’endroit.
Ce palais de 2.000 m² est situé dans un jardin en terrasses sur cinq hectares et suit les normes de l’architecture andalouse. Achevée en 1921, la demeure qui y a été édifiée possède une décoration intérieure raffinée, qui mêle l’art arabo-andalou, espagnol et italien et imite, dans certains endroits, le palais de l’Alhambra à Grenade. Surplombant la baie de Sidi Bou Saïd, avec une vue superbe sur le Golfe de Tunis, il s’en dégage une atmosphère de calme et de sérénité qui ne pouvait laisser nos hôtes indifférents.
Monsieur Soufiane Fekki, Directeur Général du Centre des Musiques Arabes et Méditerranéennes, qu’abrite le palais, a mis à disposition les locaux et son équipe a procédé à leur aménagement. Ceci impliquait d’assurer une bonne acoustique, d’aménager la plateforme des intervenants, de disposer les sièges et les cabines d’interprétation, afin de créer un espace accueillant de nature à favoriser la concentration et l’échange. Par ailleurs, nous devions nous assurer que toutes les interventions seraient enregistrées afin de permettre leur transcription.
Sous l’œil vigilant de nos collègues de la Délégation, Samia Boularès, Bruno Montariol et Marta Ibarra, le résultat fut à la hauteur de l’attente. Nous avons visité les lieux à plusieurs reprises, afin de vérifier l’avancement des travaux mais aussi afin de savourer la beauté des lieux, où une forte luminosité rappelait à tout instant que nous nous trouvions au cœur de la Méditerranée. Nous nous sommes promis que la prochaine édition de l’événement devrait se dérouler au même endroit.
La veille de la rencontre, Laura Baeza, Ambassadeur de l’Union européenne en Tunisie, a chaleureusement accueilli les participants lors d’une réception à l’Hôtel Dar Saïd, elle-même une ancienne maison bourgeoise du XIXe siècle, située à proximité du Palais Erlanger, au cœur de Sidi Bou Saïd. Elle a souligné combien les attentes de tous étaient grandes en raison de l’actualité du sujet et de la qualité des participants. Cette réception, qui réunissait les écrivains participants, des ambassadeurs des États membres accrédités ainsi que les représentants des Instituts culturels européens actifs en Tunisie, a permis aux invités de se rencontrer et de se familiariser avec l’esprit de la rencontre.
Le lendemain, la séance inaugurale a été honorée par S. E. Madame Laura Baeza, ainsi que par le Président de l’Union des Ecrivains Tunisiens M. Slaheddine Lahmadi, le Conseiller auprès du Président de la République chargé des Affaires culturelles, M. Hassan Arfaoui, le Directeur exécutif de PEN International M. Carles Torner ainsi que par le Doyen de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de l’Université de Manouba, M. Habib Kazdaghli. Par la suite, le Professeur Kamel Ben Ouanes a, cette année encore, mené de main de maître la modération des débats. En outre, la présence d’une vingtaine d’étudiants tunisiens, chercheurs et doctorants en littérature, a ajouté un ton académique à l’évènement, au grand plaisir des tous.
Les premières interventions ont immédiatement captivé le public : les récits journalistiques d’Alexandra Lucas Coelho, le cour magistral sur la relativité des valeurs d’Ali Becheur, le nomadisme des expériences de Youssouf Amine Elalamy, les merveilleux poèmes récités par Marianne Catzaras et Sondes Baccar, la curiosité de Francesca Bellino pour la culture de l’Autre, avec l’indifférence s’érigeant en frontière infranchissable, les prémonitions des dangers liés au concept d’État nation de Simon Mundy, les récits autour des frontières de Mercedes Monmany, les doutes et vulnérabilités des communautés migrantes en Europe de Saïd el Haji, furent des moments magnifiques et inoubliables.
Mais aussi, l’appel de Chawki Amari sur les frontières de l’invisibilité, les interrogations littéraires d’Einar Kleve, la poésie de Kamal Ben Hameda, les possibilités infinies du langage décrites par Yiorgos Chouliaras, le cri de colère de Bios Diallo…
Le PEN International, à travers la présence de son Directeur Exécutif Carles Torner et de Marian Botsford Fraser, Présidente du Comité des écrivains en prison, a rappelé le contexte politique grave de notre époque et les défis à affronter.
Un moment fort de la deuxième journée fut la visite et l’hommage rendu au mausolée, ou zaouia, de Sidi Bou Saïd, construit il y a 700 ans, en l’honneur d’un saint musulman, lieu de méditation où les gens venaient se recueillir et lire le Coran. Ce monument venait d’être restauré, suite à sa destruction par des actes de vandalisme visant les monuments soufis. Ce pèlerinage nous a rappelé l’importance et la valeur de la préservation du patrimoine, lié aux croyances et l’identité de notre pays hôte.
Enfin, au terme de la rencontre des deux jours, les participants ont pu visiter le musée national du Bardo, à Tunis. Ils ont pu se rendre compte de l’horreur terroriste qui avait frappé la Tunisie, au cœur même de son patrimoine historique, et rendre hommage aux victimes des attentats en déposant une gerbe de fleurs.
La troisième rencontre euromaghrébine d’écrivains à Sidi Bou Saïd, sur le thème “littérature et frontières”, sujet d’une grande actualité, nous a offert des moments intenses de récits de vie, de témoignages et d’expériences partagées, et ceci dans un lieu d’une rare beauté, symbolique de la culture, du patrimoine et de l’identité de la Tunisie.
Alexandre Zafiriou · Diplomatie publique, Délégation de l’Union européenne en Tunisie
· Public Diplomacy, European Union Delegation to Tunisia