Préface · Laura Baeza

Littérature et Frontières

Initiées par la Délégation de l’Union européenne en Tunisie, en 2012, les résidences d’écrivains euromaghrébins s’installent progressivement sur la scène culturelle tunisienne. Elles offrent un espace de dialogue et de confrontation entre des réalités perçues et vécues différemment de chaque côté de la Méditerranée.

Cette 3ème édition a réuni une trentaine d’écrivains euromaghrébins qui se sont interrogés et se sont interpellés autour du thème “Littérature et frontières”.

A l’heure où la Mare Nostrum est à nouveau un espace où se concentrent drames et espoirs, il était important que la littérature apporte sa grille de lecture, fruit du travail de vingt-quatre hommes et femmes de lettres.

Leur regard est édifiant et innovant parce que la littérature offre une réelle distanciation par rapport à l’actualité et un véritable espace de créativité et de liberté, bien au-delà du buzz médiatique et du discours éditorial.

Le voyage a donc été analysé et observé dans toutes ces composantes : explorations à travers une littérature de voyage, découverte ludique de lieux inédits, traversée de frontières réelles ou fictives… Les écrivains ont interrogé l’histoire, la sociologie, l’ethnographie, les philosophies, la psychanalyse, les religions, les traditions et les différentes coutumes… Tout ce qui construit justement une culture… Ils se sont ainsi projetés dans des lieux improbables de la mémoire individuelle et collective. Ils ont ainsi fait œuvre de “savanturiers” – contraction osée de savants et d’aventurier !

Les sujets suggérés pour les panels de discussion proposaient de se transplanter “au-delà des frontières“, d’essayer d’analyser “les frontières de l’impossible“, d’appréhender la “vérité ici et l’erreur ailleurs” et de considérer “l’homme comme une frontière“. Il y avait donc un “devoir de transcendance”, au-delà de son identité, à la découverte de l’altérité.

Chacun était donc sollicité à partir de sa propre histoire, pour nous faire voyager afin de découvrir la force d’attraction de l’autre mais aussi ses propres inquiétudes et incertitudes sur ces identités plurielles et en construction qui se rapprochent, s’affrontent pour finalement se nourrir et se construire.

Le monde est désormais “en réseau”. L’autre, si distant autrefois, est désormais mon proche voisin. Il partage désormais la construction de mon histoire et y contribue, et façonne ainsi mon identité. Face à cette nouvelle réalité, les frontières se sont déplacées mais elles se sont aussi multipliées, avec leur cortège d’exclus. Elles sont désormais virtuelles, mais bien réelles, alimentées souvent par la peur de l’autre.

Dans ce monde connecté et si réactif, la littérature doit reprendre toute sa place, parce qu’elle a accompagné, ne l’oublions pas, par ces récits épiques ou intimistes, des siècles de découvertes et de rencontres.

Ce livre reprend, tel un carnet de voyages ou de croquis, les contributions et les discussions de chacun. Des portes se sont ouvertes, des confidences se sont partagées et des perceptions se sont révélées et affrontées…

Cette résidence a aussi accueilli une “Journée de la traduction“, animée par le PEN International, et ouverte tout particulièrement aux éditeurs européens et tunisiens qui ont réfléchi ensemble sur la façon de promouvoir les littératures arabes sur le marché littéraire européen, les défis existants, les meilleures pratiques à retenir, le rôle clef des traducteurs et des éditeurs. Les espaces européen et maghrébin – peuples du Livre – se sont construits autour de la littérature. Il est essentiel aujourd’hui d’assurer une disponibilité et un accès de ces littératures au plus grand monde possible. La découverte de l’altérité passe par l’initiation à la littérature de l’autre.

L’assistance du PEN International dans l’organisation de cette troisième résidence nous a aidés, encore une fois, à lui donner un contenu plus profond et à lui assurer une plus grande qualité aux débats. Je tiens à les remercier de tout cœur. Sans eux, ces rencontres ne seraient pas les mêmes…

Je souhaitais enfin me réjouir de la présence de vingt-cinq étudiants en littérature, accompagnant M. Habib Kazdaghli, Doyen de la Faculté des Lettres de des Arts et des Humanités de l’Université de la Manouba, qui ont pu discuter avec les participants et enrichir ainsi leur expérience.

Je ne voudrais pas finir sans remercier aussi nos hôtes tunisiens qui ont mis à la disposition de cette résidence ce merveilleux Palais Ennejma Ezzahra, tellement emblématique de cette culture euromaghrébine, arabo-andalouse, qui nous montre bien la nécessité d’accueillir l’autre pour se réinventer…

Ce livre se veut une “invitation au voyage” à travers ces littératures et ces extraits…

Bon voyage !

S.E. Madame Laura Baeza · Ambassadeur de l’Union européenne en Tunisie · Ambassador of the European Union to Tunisia

 

 

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